La Chute by Jacques Ravenne

La Chute by Jacques Ravenne

Auteur:Jacques Ravenne
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Perrin/Plon
Publié: 2019-12-09T20:24:44+00:00


Section révolutionnaire

Île de la Fraternité

Le Tribunal révolutionnaire était prêt à siéger. Les deux salles où se tenaient les procès se remplissaient peu à peu. Des charrettes, escortées de gendarmes, amenaient des détenus des différentes prisons de Paris. En tout, quarante-huit accusés, qu’il fallait expédier avant le début de l’après-midi.

Un huissier se tenait près de Fouquier-Tinville. Tous ceux qui travaillaient pour le Tribunal savaient que l’accusateur public était un monstrueux abatteur de besogne qui réclamait de chacun de ses subordonnés un pareil acharnement au travail. Et si par malheur le zèle de ses hommes venait à baisser, Fouquier savait comment les remotiver. Quelques mois auparavant, un greffier dont l’enthousiasme avait faibli, Legris, en avait fait les frais. Accusé à 9 heures, jugé à 10, il était condamné à 14 heures, guillotiné à 16. Une fois la tête tombée, l’accusateur public avait fait le tour des bureaux, clamant haut et fort : « Vous y passerez tous, si la besogne ne va pas mieux. » Aussi l’huissier qui accompagnait Fouquier-Tinville se gardait-il bien de le déranger dans ses réflexions.

L’accusateur public était rentré du Comité, bouillant d’impatience. Il savait que Saint-Just et Robespierre étaient en train d’étudier le dossier qu’il avait concocté sur Fouché. S’il y avait dix fois de quoi l’envoyer à la guillotine, en revanche, malgré tous les efforts de la police, le boucher de Lyon demeurait insaisissable. Son domicile, rue de la Convention, était sous une surveillance constante, mais Fouché ne s’y montrait pas. Or sa fille, Nièvre, était gravement malade. L’enfant, qui n’avait pas encore un an, avait les poumons irrémédiablement atteints. Les médecins ne lui donnaient plus que très peu de temps à vivre. Cette absence inquiétait grandement Fouquier-Tinville, car si sa fille mourait sans qu’il l’eût revue, la vengeance de Fouché serait terrible.

— Si je ne peux abattre le boucher… dit à voix haute l’accusateur public.

À ses côtés, l’huissier devint transparent.

— … il faut que j’atteigne quelqu’un d’autre.

En quête d’une idée, Fouquier regardait les gradins où l’on rassemblait chaque jour les accusés. Il les avait fait rehausser jusqu’à la corniche du plafond. On pouvait y entasser jusqu’à cent soixante détenus. Mais c’était encore insuffisant. Depuis quelque temps, il méditait de mettre la main sur la salle des pas perdus, la plus vaste du Palais de justice. Il avait fait ses calculs, il pourrait y organiser des procès monstres : trois cents accusés en une seule séance ! De quoi donner des sueurs à Sanson, le bourreau de Paris.

En attendant, le problème, c’était le nombre de suspects qui affluaient de toute la France. Fouquier estimait qu’il y en avait plus de huit mille dans la capitale. Il ne savait plus où les emprisonner. Il avait déjà réquisitionné deux collèges, Plessis et Louis-le-Grand, puis il avait accaparé l’archevêché, qu’il avait transformé en hôpital-prison. En effet, la loi interdisant d’exécuter les femmes enceintes, on les parquait, puis on les guillotinait dès qu’elles avaient accouché. Et comme le nombre de détenus ne cessait d’enfler malgré les condamnations à mort, Fouquier venait de s’emparer du collège des Quatre-Nations, face au Louvre.



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